jeudi 24 mars 2016

Yggdradil chapitre 5

Chapitre 5

Aucune terre à l'horizon, quelque soit le coté où il regardait. Dr Niide,  les mains en appui sur le plat-bord tribord se perdait dans ses pensées, en fixant l’incessante danse de la mer. Encore un voyage, encore une fuite, pour aller où ? Tout n'était qu'un perpétuel recommencement. Un parcours, la recherche d'une quête, une quête profonde qui ne venait jamais, qui laissait toujours sa place à des requêtes superficielles, plus ou moins biens payées. Son épée lui assurait souvent un toit et de quoi se nourrir ; ce toit changeait si souvent. Il était un nomade, du moins il l'était devenu. Cela n'avait pas toujours été ainsi. Mais ce temps la était révolu et il n'était plus question de le laisser lui parasiter l'esprit à nouveau. Pour autant rien de ce qu'il ne faisait ne comblait ses attentes. Que cherchait-il au fond ? Lui même n'avait pas la réponse à cette question. Et la maladie qui le suivait, sans relâche, partout.  Les doses des potions qu'il devait ingurgiter pour calmer ses souffrances étaient de plus en plus importantes, et après ? Qu'arrivera t'il quand cela ne suffira plus ?

L’arrivée de Totomathon l'extirpa de ses pensées.

— Je ne vous ai pas encore remercié, lui dit le hobbit.

— Ce n'est rien, nous étions juste là au bon endroit au bon moment, il faut remercier la providence et non moi, lui répondit Dr Niide qui arrêta enfin de fixer des yeux ces vagues qui poursuivaient leur danse éternelle.
            — Je le sais, mais ce qui est sur c'est que sans vous je serai probablement en train de me faire manger les entrailles par une bête sauvage dans mon propre salon.

Totomathon se mit à regarder vers l'horizon à son tour.

— Vous avez une idée d'où nous allons ?
— Pas la moindre, soupira Dr Niide, vu les derniers événements, le plus important était de quitter l'île et d'essayer de trouver refuge en attendant soit que cela se tasse soit que l'on comprenne ce que ces personnes vous voulaient afin de régler ce problème d’une manière ou d’une autre.
— Je n'arrive plus à me rappeler la dernière fois que j'ai quitté l'île, cela est à la fois excitant et effrayant. L'inconnu, les gens, la ville, le continent, tout ce que j'ai quitté de manière volontaire il y a si longtemps, et voila que je dois y retourner pour ma propre sécurité.

Il fut coupé par l'arrivée, fracassante de Doc Julien qui les aborda avec sa finesse caractéristique.

— Ben alors les amoureux, on se prépare pour un concours de dépressif ?

Son intervention aurait pu paraitre indélicate et roturière mais elle apporta une pointe d'humour à l'ambiance.

Doc Julien reprit.

— Vous avez parlé un peu avec les gars du bateau ? Ils sont fascinants. Le capitaine, par exemple, vous savez qu'il a dans sa cale plus de vingt type d'alcools différents.
— Ça m'aurait étonné que tu ne sois pas au courant de ce type d'information avant notre arrivée, ironisa Dr Niide.
— Et ce n'est pas tout, vous voyez le gars la bas ? Doc Julien pointa du doigt un elfe, blond, de grande taille mais épais comme une branche d'arbre qui était assis en tailleur juste devant la proue, c'est un elfe du soleil, il est en voyage initiatique. C'est fascinant non ?. Il n'est pas très bavard mais super sympa

— Vous arrivez toujours à sympathiser comme ça les gens ? lui demanda Totomathon.

— La majorité du temps oui, surtout quand je peux parler avec eux autour d'un verre. D'ailleurs, il va falloir que tu arrêtes de me vouvoyer, sinon la prochaine fois que tu es attaqué je n'interviens pas, rigola le sorcier.
— Très bien, j'essaierai
— Deux bateaux en approche,  hurla la vigie depuis la hune.

Le capitaine s'avança jusqu'à la proue et jeta un œil dans sa longue-vue.

     Qu'est ce que c'est que ce merdier ? dit il d'un air inquiet.

Il se retourna vers son équipage qui attendait les ordres.

— Tous à vos postes, prêt à prendre les armes, ce sont les étendards du Crestor.
— Les étendards de quoi ? demanda Totomathon
— Du Crestor. Un royaume au sud est du continent, dont on ne sait que peu de choses, si ce n'est qu'il ne faut pas en approcher.

Dr Niide marqua un temps d’arrêt avant de reprendre.

— Mais nous sommes du coté opposé du continent, cela n'a aucun sens.

— On peut vous être utile à quelque chose ? demanda Doc Julien au capitaine.
— Pour l'instant, non. Ne gênez pas mes hommes dans leurs manœuvres c'est tout. Et si vous croyez en une divinité demandez lui de l'aide, ce bateau n'est pas fait pour une bataille en pleine mer contre deux Man'o'war et mes hommes non plus. Reste à savoir ce qu'ils nous veulent.

L'elfe, qui était à coté d'eux avait écouté la conversation. Il s'approcha de Doc Julien.

— Il y a quelque chose qui cloche, dit il.
— Ça c'est sur, des bateaux du Crestor dans les environs, c'est pas commun et ça n'augure rien de bon, répondit Doc Julien.
— Pourquoi viennent-ils vers nous ? Il s'agit d'un bateau de commerce et en dehors de l'équipage, il n'y a que vous, vos amis et moi à bord. Et ce n'est pas tout. Regardez la bas, l'elfe lui montra l'horizon derrière les deux bateaux. La terre commençait à peine à y être visible.
— Ben, c'est la terre, je ne vois pas ce que vous voulez dire ? s'étonna Doc Julien.

— Ah, pardon vous ne voyez pas aussi loin, excusez moi. J'oublie parfois. Il y a un campement important un peu plus loin. Des trainées de fumée s'en dégagent, il doit s'agir d'un regroupement important. Et avec la présence des bateaux, je suppose qu'il s'agit d'un détachement de l'armée du Crestor.
— Je suis bluffé. Même sobre je ne vois pas aussi loin et aussi bien. Votre acuité visuelle est impressionnante, Cte ben c'est ça ?
— Oui tout à fait.  Je ne sais pas ce qu'il se prépare mais nous devons rester sur nos gardes. Vous devriez prévenir vos amis.

Les bateaux s'approchaient à une vitesse fulgurante. Déjà imposant de loin, chacun faisant presque deux fois la taille du bateau de commerce.

— Une idée de ce qui se trame ? demanda Dr Niide à au sorcier.
— Non, mais je n'exclus pas qu'ils viennent pour nous.
— Vous voulez dire que tout le monde ici est en danger à cause de moi ? se désola Totomathon.
— On ne sait pas encore ce qu'ils veulent, et dans tous les cas, le danger c'est eux, relativisa Dr Niide.
— Reculez ! hurla Cte Ben aux trois compagnons.

Une flèche se planta devant les pieds de Doc Julien. Elle était entourée d'une feuille.

— Ça vient du bateau le plus à tribord, expliqua Cte Ben, ils viennent de la tirer.

Le capitaine du navire s'approcha et retira la flèche de la planche de bois dans laquelle elle s'était plantée.

— Ils visent plutôt bien les bougres, s'inquiéta Doc Julien, peu de personnes auraient pu faire ce tir à cette distance. Surtout avec le vent actuel.

Le capitaine se mit à lire la feuille, puis la déchira, sans dire un seul mot avant de se tourner vers Totomathon.

— Je ne sais pas qui vous êtes, ni ce que vous avez fait, mais ces bateaux viennent pour vous.

Totomathon devint livide. Il ne savait quoi dire. Il aurait voulu s'excuser, ne pas être là, ne pas être la cause de tout cela. Il s'en voulait de mettre tout l'équipage et ses passagers en danger.

Le capitaine se tourna vers ses hommes.
— Personne, vous m'entendez, personne ne me donne d'ordre à bord de mon navire. Si je cède à la moindre menace, ne serait-ce qu'une seule fois, je ne pourrais plus jamais tenir la barre d'un navire sans être couvert de honte. Ici, la seule loi qui s'impose c'est la mienne. Ces bateaux viennent d'une contrée que je ne connais pas, à laquelle je n'ai jamais porté atteinte, ils n'ont aucun droit sur ces mers, ni sur mon bateau, ni sur aucun de vous et chacun des passagers de ce bateau est sous ma responsabilité. Si quelqu'un s'oppose à ma décision qu'il se présente devant moi.

Il y eut un silence de quelques secondes, puis chaque homme se dirigea vers son poste attitré comme si la dernière phrase du capitaine n’avait jamais été prononcée.
Cte Ben s'approcha du capitaine.

— Je vous soutiens dans votre décision, mais réalisez vous que nous ne pouvons pas gagner cette bataille ?
— Oui, je le sais, et chaque homme ici le sait aussi. Mais en s'engageant pour naviguer à mes cotés, ils savaient que jamais, devant aucune menace, je ne céderais, quelle qu'en soit les conséquences. La mer est mon berceau, ce bateau est ma maison, et mon honneur de marin est ce qui a fait de moi ce que je suis aujourd'hui.

— Votre courage vous honore, mais vous allez sacrifier tout votre équipage. Alors je vous suis sur le fait que leur remettre le hobbit est impensable, mais si je vous disais qu'il était possible d'épargner un maximum de personnes sans céder à leurs exigences ?

Cte Ben attisa la curiosité du Capitaine qui lui demanda de développer son idée.

— C'est un cauchemar, désormais je vais amener la mort et la destruction avec moi peu importe ce que je ferai et ou j'irai ? dit Totomathon, totalement accablé par la situation.
— Te lamenter ne changera rien. Ici chacun est libre de prendre ses décisions. S'il nous faut mener une bataille aujourd'hui, alors qu'il en soit ainsi. Ce qui arrive actuellement te dépasse, nous dépasse. Je n'ai pas d'explication à te donner, mais si tu ne veux pas finir ulcéré dans ta propre culpabilité, va demander une arme et prépare toi à défendre ta vie et celle des autres.

Le discours de Dr Niide secoua Totomathon et l'empêcha de tomber dans une torpeur inutile. Il acquiesça de la tête et parti à la recherche d'une arme.

Doc Julien, qui avait vu de loin l'entretien entre Cte Ben et le capitaine, demanda à l’elfe ce qui se préparait.

— Vous voulez défendre votre ami ? lui demanda l'elfe.
— Oui.
— Parfait. Et je vous aiderai. Mais je pense que ce n'est pas aux hommes d'équipage de se sacrifier pour vous ou votre ami. J'ai proposé une alternative au capitaine et il semble d'accord. Sachez juste qu'en dehors du capitaine, vos amis, vous et moi, il n'y aura personne d'autre à bord du bateau pour se battre quand les bateaux seront à distance d'abordage.
— Je comprends. Et quelle est cette alternative ? lui demanda Doc Julien.

L'elfe lui exposa une stratégie que le sorcier communiqua à ses deux camarades afin qu’ils puissent se préparer en conséquence.

**

Cyclo était né dans ces montagnes. Cochon tout rose et dodu, il était poutant tout à fait unique. Sa connaissance du terrain lui apportait une sérénité certaine. Son entrainement à parcourir les routes sinueuses des Montagnes éternelles avait petit à petit modifié ses sabots. Une nouvelle fois, il parcourait les chemins escarpés et traitres des Montagnes et leurs passages qui n'attendent qu'une seconde de relâchement de la part des voyageurs et de leur monture pour offrir une chute fatale.
 L'exploit que réalisait le porc était d'autant plus notable qu'il portait sur son dos le cumul du poids d'un nain et de sa hache qui étaient à peu près dans les mêmes valeurs. Mais Cyclo, car c'est ainsi que se prénommait l'animal, n'avait jamais trahi la confiance de son seul et unique cavalier[1], Radioactive Jib.

Conscient de tout ce qui pouvait se passer dans les environs de son habitat, Radioactive Jib avait noté une activité anormale sur le flanc de la montagne, entre deux chemins peu empruntés des mines éternelles, à quelques mètres au dessus de sa maison. Il n'avait voulu se faire remarquer en allant vérifier de lui-même ce qui était à l'origine de ce bruit. Mais à en juger par les bruits et les secousses,  il concluait en premier lieu à un éboulement. Mais la cause exacte lui échappait. Il aurait bien sur pu se rendre directement sur place, mais le prix à payer, à savoir trahir sa présence en ces lieux, était trop élevé juste pour satisfaire sa curiosité.

Toutefois, il avait noté que suite à l'éboulement, quelque chose semblait s'être écrasé plus bas, loin des regards, mais proche de sa maison. C'était donc dans cette direction qu'il se dirigeait.
La route descendait, mais Cyclo ne dérapa pas un seul instant, il maintenait, comme toujours, un équilibre parfait, la tête froide, le groin droit,  toujours l'air fier. Pour rien au monde Radioactive Jib ne se serait séparé de son atypique destrier.

La route les mena à un terrain plat, assez large, entre deux flancs de la montagne. Une ombre au loin, immobile était visible. Sur ses gardes, Radioactive Jib descendit de Cyclo et continua le chemin à pied, hache à la main.

En s'approchant, il remarqua une jeune femme, allongée, apparemment inconsciente. A coté d'elle se tenait un drôle d'animal. Il vérifia le pouls de la jeune femme, puis celui de l'animal qui s'avéra, une fois retourné être un ragondin.

Il ne savait quoi faire d'eux. Il n'avait pas la place pour les transporter avec lui sur Cyclo.

Mais il n'eut pas à se poser la question, car il n'était pas seul sur les lieux.

Elle aussi avait remarqué l'agitation un peu plus haut dans la montagne. Mais son trajet jusqu'ici n'avait pas été motivé par la curiosité.

            — Qu'est ce que tu fais là ?" lui demanda Radioactive Jib, d'un ton sec.
            — La même chose que toi, du moins je l'espère, mon vieil ami, lui répondit Doc Dambor, avec un sourire en coin.
            — Elle respire encore, et ça aussi" dit il en pointant le ragondin du doigt.
            — Parfait, je vais les ramener chez moi. Il me semble que tu as encore de la gomme de pavot chez toi – elle savait pertinemment que Radioactive Jib s'était fait une réserve non négligeable -, je suis à court actuellement et j'en aurai bien besoin pour eux. Accepterais-tu d'aller chez toi et de m'en apporter à la maison ? lui demanda Doc Dambor.

Radioactive Jib grogna dans sa barbe aux reflets bruns, blonds et à son grand regret roux aussi. Il émit un petit grognement en guise de réponse affirmative.

Doc Dambor s'approcha de la jeune femme et l'examina pendant quelques minutes afin de s'assurer qu'elle pouvait la mobiliser sans la mettre en danger avant de la porter de la déposer à l'avant de sa selle. Elle examina le ragondin, plus rapidement et le glissa dans la sacoche sur le flanc droit de son cheval, la tête dépassant un peu du rebord.

Elle prit la route de son coté, tandis que Radioactive Jib, remonta sur Cyclo pour aller chercher la gomme de pavot qui était chez lui.

**

Le capitaine avait entamé une manœuvre qui positionnait son navire dans l’axe des deux bateaux ennemis. Plus qu’un instant et le navire serait bientôt dans la position la plus fragile, en sandwich entre deux machines de guerre.

Jusque là, aucune attaque n'avait été entamé par les deux navires en approche. Mais leur positionnement parfait pour une embuscade ne laissait pas de doute sur leurs intentions en cas de résistance.

Une fois au même niveau, les deux bateaux ennemis lancèrent des cordes pour maintenir les positions en l’état. Avec l'accord du capitaine, Cte Ben et Doc Julien les nouèrent sur les bords du bateau. Désormais les 3 navires étaient liés entre eux.

Le navire ennemi à tribord laissa glisser une passerelle depuis son pont. Un homme, seul l'emprunta. Cependant une dizaine d’hommes, armés, et de toute évidence prêt à passer à l’action, étaient en attente sur le bord de chacun des navires, les yeux rivés sur la scène principale.

L’homme s’approcha de Dr Niide et se dressa devant lui. Il était d'une taille impressionnante. Son armure sombre, était marquée de deux traits rouges verticaux. Il releva sa visière et se révéla d'un âge équivalent à celui de Dr Niide, mais avec une cicatrice barrant son front et descendant en angle à quelques centimètres de sa bouche.

— Il transpira la sympathie, se dit Doc Julien tout bas.

            — Je suis le commandant Zyce, capitaine de ces navires. Je vous ordonne de nous remettre le hobbit ».
Son ton ne laissait transparaitre aucune émotion, aucune humanité.
Dr Niide ne bougea pas un sourcil.

            — Je suis le capitaine de ce bateau, si vous voulez commencer à intervenir sur ce pont, il faut pour cela passer par moi, s’exclama le capitaine tout en s’approchant de l’homme.

Zyce se tourna vers le capitaine.

            —Très bien, il marqua une pause, donnez nous le hobbit.

            — Toute personne qui monte sur ce navire avec mon accord se retrouve sous ma responsabilité.  Le hobbit ne déroge pas à la règle. Vous vous présentez devant moi, avec votre arrogance et vos menaces, sans aucune légitimité ni sur ces mers et encore moins sur mon pont. Alors je ne vous le dirai qu'une fois, personne, sous ma responsabilité en ce jour, ne vous sera remis. Maintenant partez.

Zyce attrapa le capitaine par le col, le souleva sans effort, et le  projeta contre la porte de sa cabine. Le choc fut tel que la porte se fracassa sous le poids du capitaine. Totomathon, jusque là dissimuler dans la cabine du capitaine apparut, figé, choqué par ce qu'il venait de voir.

Le commandant ennemi s'approcha de lui. Mais il s'arrêta en chemin. Une flèche venait de le frôler, avant de se planter sur ce qu'il restait du cadre de la porte. Zyce se retourna et remarqua Cte Ben, arc à la main, déjà prêt à armer un nouveau projectile.

            — Vous voulez donc mourir ? dit il en le fixant, le regard noir, révélant une colère montante.
            — A vous l’honneur, lui rétorqua Dr Niide, tout entamant une attaque vers Zyce.
Le commandant l’esquiva de justesse en se décalant sur le coté. Il profita de son avantage et de l’élan de Dr Niide pour le frapper à la mâchoire. Le guerrier tomba, sonné.

Les soldats restés sur les navires ennemis, impatients d'en découdre, ne se firent pas prier. Ils tentèrent d'emprunter la passerelle afin d'aborder le navire, mais une pluie de flèche à babord, et une impressionnante flamme à tribord les obligèrent à reculer.

Cte Ben et Doc Julien empêchaient tout abordage. Il y eut bien quelques fous téméraires de chaque coté, mais leur trépas rapide poussa les autres à reconsidérer l'idée.

Zyce s'approchait de Totomathon. Ni son assaillant encore groggy, ni les mésaventures de ses hommes contre seulement deux adversaires ne l'intéressait. Seul comptait pour lui la capture du hobbit.
Dr Niide se releva, encore un peu sonné. Il reprit rapidement ses esprits et tenta une nouvelle attaque, mais Zyce se retourna et contra son attaque en utilisant l'armure de son bras pour bloquer la lame.

Bloquant son assaillant dans sa position, il en profita pour s'approcher au plus près de son visage.

            — Vous me fatiguez. Tous. A préférer vous battre, et mourir plutôt de faire ce qu’on vous demande.

Il sortit l'épée du fourreau qui était à sa taille et tenta de l'assommer une nouvelle fois, avec le pommeau.  Dr Niide l’évita d'une roulade latérale mais Zyce poursuivit le mouvement de son épée et entailla l'épaule du guerrier dont il avait habilement anticipé la manœuvre.

Une passe d’arme s’engagea entre les deux,  une suite d’attaques rapides. Le métal se heurtait au métal à chaque coup. Aucun des deux ne cédait.

Le capitaine du navire, commençait à reprendre ses esprits. Il remarqua la passe d'arme entre les deux hommes, et le hobbit qui assistait à cela, impuissant et terrifié.

            — Allez l’aider, lui dit le capitaine, gagné autant de temps que vous le pourrez, je descend à la cale mettre un terme à tout cela.
            — Mais ce n’est pas ce qui était prévu, s’inquiéta le Totomathon.
            — Il est trop tard pour revenir en arrière. Mon équipage est sauf sur des canots à distance de nous désormais. Cette bataille est perdue d'avance si nous ne n'adaptons pas nos plans. Je vous laisse une minute pour quitter mon navire.

Sur ces mots, il ouvrit l'écoutille qui était à coté de lui  et s'y glissa.

Totomathon savait ce qui allait arriver. Il lui fallait prévenir les autres.

La flèche tirée par Cte Ben un peu plus tôt était encore plantée, non loin de lui. Il l'arracha en utilisant ses deux mains.

Durant tout ce temps, ni Dr Niide, ni Zyce, focalisés sur leur affrontement n'avait fait attention à lui ou au capitaine.
Profitant d'une nouvelle intense passe d'arme, le hobbit se jeta sur Zyce et lui planta la flèche dans le flanc droit.

Dr Niide voulu profiter de cet avantage pour achever son ennemi, mais Totomathon l'attrapa au bras

            — Il faut quitter le navire. Tout de suite.

Le guerrier, d'abord surprit, remarqua l'absence du capitaine et l'écoutille ouverte. Il comprit l'importance de l'ordre du hobbit.
Il l'attrapa par le bras pour sortir de la cabine au plus vite.

Le mur de flamme qui empêchait l’abordage disparut.

            — Sautez ! hurla t'il en direction de Cte Ben et Doc Julien avant de suivre son propre conseil, avec Totomathon.

Le jeune elfe et le mage suivirent le mouvement, ils se dirigèrent vers la proue, les bords latéraux étant bloqués par les navires ennemis.

Ils furent projetés par un souffle violent et chaud avant d'avoir pu atteindre l'eau.

L'explosion communiqua avec les navires ennemis via leurs sabords ouverts. Les trois navires se désintégrèrent en une seconde.

Au loin, sur des canots, des marins  récitèrent une prière, conscients du destin de leur capitaine.


**

            — Elle se réveille.
            — Fascinant, se moqua Radioactive Jib.

            — Non, ne bouge pas.
Doc Dambor tenta d’avoir une voix apaisante pour rassurer la jeune inconnue.

            — Qui êtes vous ? Où est Bob ?
Elle tenta de se lever mais une douleur qui saisit tout son corps l'en empêcha.

            — Je m’appelle Doc Dambor, tu es tombée dans les montagnes, mais ne t’en fais pas, tout ira bien, tu dois juste encore te reposer un peu.
            — Où est Bob ? répéta la jeune convalescente.
            — Ici, espèce de morue increvable, lui répondit le ragondin, entre deux lapées dans son bol d’eau.
            — Ahah, je l'aime bien ce rat, rigola Radioactive Jib. 

Doc Marmotte se tourna sur le coté pour chercher une position moins douloureuse, mais ses côtes l'empêchèrent de terminer son mouvement.

            — Qu’est ce qui s’est passé ? demanda t’elle, les dents encore serrés sous le coup de la douleur.
            — Vous êtes tombée, de plusieurs dizaines de mètres, dans la montagne, lui expliqua Doc Dambor.

            — Vraiment ? Mais comment ai-je pu survivre ?
            — Ça, je n’en ai pas la moindre idée, mais vous êtes vivante, et votre ragondin aussi. C’est tout ce qui compte.

En terminant sa phrase, Doc Dambor souleva le drap pour appliquer un baume  de sa propre création sur les côtes de Doc Marmotte. Non dépourvu d’éducation, Radioactive Jib se retourna.

Se rappelant des événements récents, la jeune magicienne s'inquiéta.

            — Je vous mets probablement en danger en étant ici.
            — Non, ne vous inquiétez pas, il n’y a personne d’autre à l’horizon.

La voix de Doc Dambor était douce, et apaisait un peu les angoisses de Doc Marmotte.

Bob s’approcha d’elle, boitant sur sa patte gauche. Il se mit en boule sur son ventre. Cela ne lui ressemblait pas. Doc Marmotte comprit que le ragondin tenait malgré tout à elle, même s’il aurait préféré mourir sous la torture plutôt que de l’avouer. Mais cet acte ne trompait pas. Il avait eu peur de la perdre.

            —  Vous devriez dormir un peu, suggéra Doc Dambor.
La nuit fut agitée, des sueurs, induites par les traitements de son hôte, des tremblements, des cauchemars. Doc Marmotte marmonna tout le long de son sommeil. S’extirpant de ses mauvais rêves, elle se réveilla en sursaut. Doc Dambor était assise devant le feu, et récitait des formules dans une langue qui lui était inconnue.

            — Comment allez vous ?

Doc Marmotte ne répondit pas. Quelque chose était différent. Il ne s’était rien passé de précis, mais elle n’était plus la même. Elle le savait, elle le sentait.

            — Je…, elle ne termina pas sa phrase.

Le regard de Doc Dambor était toujours aussi posé et serein. Elle s’assit à coté d’elle.

            — Je sais. Respirez calmement. Ne vous inquiétez pas. Je l'ai su dès que je vous ai vu. Vous n'êtes pas en danger ici. Vous devez avoir des milliers de questions. Je répondrai à autant que je le pourrais, je vous le promets.

Doc Marmotte ne savait pas comment interpréter ces paroles, tout avait changé si vite. Comment ne l’avait elle pas su avant ? Pourquoi ? Pourquoi elle ? Et comment devait-elle réagir à présent ?

            — Je ne pensais pas que j’en rencontrerai un jour. Sachez que je suis honorée, déclara Doc Dambor.
            — Pourquoi moi ? Et les autres, je… je les sens mais je ne les vois pas, je ne sais pas qui ils sont. Que dois-je faire ?
            — C’est à vous maintenant de choisir ce que vous voulez faire. Mais cela ne change rien à votre condition physique. Il n’y a pas d’urgence. Prenez votre temps. Reposez vous.
            — Mais vous ? Comment savez-vous ?
            — C’est une longue histoire, jeune magicienne. Une histoire qui remonte au temps où j’étais une de ses gardiennes.



[1] L'auteur reconnait que le mot "cavalier" amène à l'idée de cheval mais il n'a pu trouver de terme plus approprié et n'a osé se lancer dans un délire néologique pour décrire l'équivalent pour un cochon.

dimanche 13 mars 2016

Yggdrasil chapitre 4

Chapitre  4

Des colonnes en obsidienne noire s'élevaient des deux cotés de l'allée centrale. Il n'y avait aucun arbre, aucune plante. Seule la roche dominait en ces lieux, tantôt brute, tantôt sculptée. L'air était froid, et la lumière qui s'échappait des fenêtres mourrait au contact du sol,  absorbée, emprisonnée.
Cela ne décontenançait pas Lara Cockroft et Mémédoc qui avançaient, imperturbables. La petite traîne de la robe grise de Lara épousait le sol, un diadème en sombracier retenait sa chevelure. D'un pas rapide, elle traversa la première salle, puis l'interminable couloir qui lui faisait suite. Mémédoc marchait à ses cotés, au même rythme, toute aussi silencieuse, mais prête à dégainer son surin à la moindre menace. Ce surin était sans nul doute son bien le plus précieux. La lame en cobalt, était d'un bleu étincelant. Une gouttière la traversait sur une de ses faces. Imbibée de belladone concentrée, elle était une arme magnifique. Dans les mains de Mémédoc, elle devenait redoutable.

Leurs oreilles pointues avaient attiré l'attention dans les couloirs. Il était de notoriété publique de Nico D n'aimait pas les elfes. Il était donc peu fréquent d'en croiser entre les murs de son château.
Au bout d'un énième couloir, Lara et Mémédoc furent arrêtées, poliment, devant une grande porte en  bois rouge.

            — Je suis désolé mes demoiselles, vous ne pouvez aller plus loin sans être attendues.

L'homme qui venait de les arrêter était assez frêle et portait sur son dos ses longues années au service de son roi, mais deux gardes aussi hauts que larges l'accompagnaient pour aider à faire passer sans encombre ses messages.

            — Si nous avions voulu entrer dans cette pièce sans être attendues, nous n'aurions pas pris le couloir principal. Prévenez votre roi que nous sommes là,  dit Lara d'un ton ferme, mais sans la moindre once d'impolitesse.

Mémédoc était prête à saisir sa lame en cas de réaction belliqueuse.

Le vieil homme sembla réfléchir un instant, avant de répondre.

            — Très bien, qui dois-je annoncer ?
            — Nul besoin de connaitre nos noms, vous n'avez qu'à nous décrire à votre roi,  rétorqua Lara, toujours calme.
            — Ce n'est pas la procédure habituelle réagit l'intendant.

            — Et ce n'est pas dans mes habitudes d'attendre, le coupa Lara, dont le ton laissa transparaitre une pointe d'agacement.

L'intendant resta silencieux quelques secondes avant de se tourner vers la grande porte. Deux autres gardes lui ouvrirent la porte.

Aucun son ne s'échappait de l'autre coté de la porte. Il aurait été normal de penser que la pièce derrière était vide.
Finalement la porte s'ouvrit de nouveau, et l'intendant réapparu.

            — Vous pouvez y aller, dit il avant de s'effacer pour laisser passer les deux elfes.

Les portes, ouvertes, révélèrent une pièce immense, baignée dans une lumière qui contrastait avec tout le reste du château. Nico D était sur son trône et ne prêta aucune attention à l'entrée de Lara et Mémédoc jusqu'à ce qu'elle soit à mi chemin. Il leur fit signe de la main, leur signifiant de se rapprocher.

Arrivées au pied des marches qui menaient au trône, Lara et Mémédoc marquèrent une pause, puis posèrent un genou à terre. Mémédoc avait déjà analysé la pièce, le nombre de soldat, leurs armes, ceux qui étaient de vraies menaces, ceux qui fuiraient devant quelques uns de leurs camarades morts.

            — Que voulez-vous ? s'agaça Nico D.
            — Bonjour, votre majesté, répondit Lara, qui préféra ne pas suivre son interlocuteur sur le ton avec lequel il entama la discussion, nous sommes ici pour vous proposer un marché.
            — Et qu'est ce qui vous fait penser que vous avez quelque chose qui pourrait m'intéresser ?
            — Beaucoup de choses. Plus que vous ne croyez. Un plus grand royaume, sans avoir à mener vos hommes en guerre, pour commencer.

A ces mots, Lara perçut une pointe de curiosité et d'intérêt dans le regard du Roi, mais cela ne dura qu'un instant et son visage reprit vite ses traits sombres.

            — Vous savez comment parler à des rois, mademoiselle... quel est votre nom déjà ?
            — Lara, Lara Cockroft. Et je vous présente mon amie, Mémédoc.
            — Très bien Lara, vous venez donc avec de belles paroles et de belles promesses, mais si je suis roi, et surtout, si je suis encore en vie, c'est parce que je ne me fie qu'aux actes.

            — Les actes viendront, cher roi. Mais pour cela il nous faudrait une aide minime de votre part.
            — Je n'aime pas votre conception du marché. Voyez vous, ici vous êtes dans mon château, sur mes terres, et sur un simple geste de ma part vous pouvez être arrêtées et emprisonnées, je pourrais vous garder des années dans un cachot plus sombre que les ténèbres elles mêmes, et ne vous en sortir que pour vous recouvrir d'huile sucrée et vous faire cramer pour parfumer ma cour avec des effluves de caramel. Alors comprenez bien ceci, dans les marchés que l'on fait ici, c'est moi qui reçoit en premier et je ne donne qu'après.
            — Très bien, je conçois votre point de vue. J'aurai préféré qu'aucune goutte de sang ne coule, et que vous soyez gagnant dans l'échange que j'allais vous proposer, mais soit.

Nico D eut à peine le temps de lever sa main pour ordonner à ses gardes d'encercler les deux elfes, que Mémédoc saisit son surin et se jeta sur celui qui se tenait à coté de la fenêtre et qui était apparemment le plus imposant de la pièce. Elle sectionna sa carotide d'un coup vif, et se projeta directement sur le garde le plus proche avant même que le visage de sa première victime n'ait touché le sol. Méthodiquement, et selon un schéma qu'elle avait prévu depuis leur entrée dans la pièce, Mémédoc tua quatre gardes, avant que ses prédictions ne s'avèrent exactes et que les survivants ne renoncent à engager le combat. Elle s'approcha alors calmement de Nico D qui était encore sous le choc de ce qui venait de se produire.

Lara le regarda, et posant son index sur ses lèvres lui fit signe de ne pas faire de bruit.

            — Maintenant, nous allons aller droit au but, vous êtes en possession d'une bague en mithrite noble. Ne niez pas, ne mentez pas. Donnez la nous, et nous ferons le maximum pour que vous puissiez voir le soleil se coucher ce soir, exposa Lara.
            — Très... très bien. Allez prévenir mon mage, qu'il apporte la bague en mithrite noble, ordonna le roi au dernier homme de la pièce encore vivant et apte à suivre son ordre.

**

            — Je  déteste les mines, c'est froid, il n'y a aucune visibilité, et franchement, il faut dire ce qui est... on s'emmerde !

Bob, avait été insupportable pendant tout le trajet. Doc Marmotte avait essayé de prendre exemple sur Qffwffq qui l'avait ignoré depuis leur départ, mais la tache était plus difficile, compte tenu du fait que le ragondin était sur son épaule.

Que des reproches et des remarques, sans arrêt. Elle avait songé à le noyer discrètement dans le premier ruisseau venu après qu'il ait répété pendant plus d'une heure "quand est-ce qu'on arrive ?", mais finalement elle opta pour la deuxième solution, lui céder une dose de sa poudre préférée qui le faisait planer et du coup entraînait un silence reposant pendant un laps de temps jamais assez long.

            — Et rappelle moi ce qu'on fait ici ? demanda t'il.
            — Pour la dixième fois, je te le redis, on cherche l'origine de la perturbation de l'Ether. Cet endroit est comme recouvert par un nuage invisible mais pesant qui m'oppresse sans que je n'en comprenne l'origine.

Bob se tourna vers Qffwffq qui ne daigna toujours pas lui lâcher un regard.

            — Et le seigneur de la sympathie pourquoi il est avec nous ? Parce que franchement à part si le seul moyen de faire disparaître cette perturbation c'est d'être désagréable avec elle ou de la battre au concours de celui qui aura une tête d'enterrement le plus longtemps, je ne vois pas en quoi il va nous être utile.
            — Ecoute, je ne sais pas, tu iras embêter Souristine avec ces questions à  notre retour.

Qffwffq montra une déviation sur la droite de la galerie principale
            — C'est par là.

Doc Marmotte était d'accord avec cet avis, la perturbation était plus palpable dans cette direction.

Elle avait fini par accepter le parti pris du moindre mot de son compagnon d'aventure et s'était résignée quant à l'idée d'un voyage bonne ambiance avec discussions, chansons, échanges d'anecdotes etc.
Jusqu'à présent, leur voyage s'était déroulé sans encombre. Doc Marmotte s'en réjouissait, mais une part d'elle était curieuse de voir ce que Qffwffq pouvait donner en situation de conflit. De plus, elle ne s'expliquait toujours pas pourquoi ils avaient été choisis tous les deux pour cette mission.

Les mines étaient un vrai labyrinthe, mais  Doc Marmotte avait déposé de la poudre astrale sous les sabots de son cheval afin de pouvoir retrouver aisément leur chemin en cas de besoin avec un simple sort qui ferait apparaître les empreintes.
Le chemin qu'ils venaient d'emprunter était en légère montée et laissait apparaitre une lueur à son horizon. Surement une sortie. Mais cela lui parut étonnant en plein cœur d'une mine.

Creusées au cœur de la montagne, en des temps anciens, les mines éternelles avaient permis aux nains de bâtir leur empire, et d'en assurer la pérennité tant sur le plan sécuritaire avec des armes d'une qualité sans égale faite à partir des matériaux locaux, mais aussi sur le plan économique avec un monopole sur le mica rouge et le quartz blanc qui ne se trouvaient nulle part ailleurs en ce monde. Après un âge d'or de paix et de félicité, vint le temps des premiers conflits, d'abord internes, auxquels s'ajoutèrent rapidement des menaces de l'extérieur. Creusées jusqu'à l'épuisement total de leurs ressources, les nains abandonnèrent les mines pour vivre, non plus en communauté, mais éparpillés sur tout le continent. Depuis, les montagnes éternelles et leurs mines n'étaient plus qu'une zone semi-déserte, où ne vivaient quelques ascètes discrets et inconnus.

La lumière du jour s'intensifia. Il s'agissait bien d'une sortie de la mine. Les deux aventuriers, et Bob, se retrouvèrent à flanc de montagne, sur une route étroite. Ce chemin était risqué, mais il était celui qui menait à la perturbation.

            — Sur la droite, la bas, il y a une zone plate, nous allons nous y poser quelques instants, annonça Qffwffq.
            — Pile à l'heure pour le gouter ! s'extasia Bob.

            — On n'est pas la pour pique-niquer, lui rappela Doc Marmotte qui n'aimait guère la sensation que provoquait en elle la perturbation. Il y a quelqu'un là-bas, remarqua t'elle.

Une silhouette se devinait sur la zone que Qffwffq avait montré quelques instants auparavant.
Ils approchèrent, doucement. La silhouette s'avéra être une femme, qui leur tournait le dos. Elle ne se retourna pas alors que le bruit des sabots ne cachait nullement l'approche des deux aventuriers.

            – Bonjour, entama Doc Marmotte.

La femme resta silencieuse un instant. Puis sans se retourner répondit.
            — Ce n'est pas trop tôt, dit elle.
            — Ce n'est pas trop tôt de quoi ? s'étonna Doc Marmotte.

Qffwffq descendit de son cheval, toujours sans un mot, mais nullement perturbé par la situation.

            — Descendez, s'il vous plait,  demanda t'il à Doc Marmotte.
            — Mais qu'est ce qui se passe ici ? C'est quoi ce bordel ? s'agaça la sorcière.

A peine eut elle le temps de finir sa phrase que la femme tendit la main vers elle et d'un simple sort la fit tomber de son cheval.

            — Du calme Zoralie, lacha Qffwffq

Doc Marmotte ne pouvait plus bouger. Le sort de Zoralie la tenait comme des liens serrés tout autour de son corps.

            — Emmenons là à proximité du rocher de mithrite noble, et la tu pourras la tuer et récupérer son pouvoir, s'amusa Zoralie.

Doc Marmotte fut prise de panique mais aucun muscle de son corps ne répondait, elle était prisonnière du sort. Zoralie la déplaçait à quelques centimètres du sol, sans la moindre difficulté, telle une marionette.

            — Très bien, ne traînons pas, répondit Qffwffq toujours sans une seule once d'émotion.
            — Me tuer ? Mais pourquoi ? Pourquoi vous faites ça ? Qu'est ce que ça vous apporte ? Qu'est ce que je vous ai fait ? hurla Doc Marmotte, avant d'être prise d'un sanglot.
            — Ça ne t'avancera à rien de savoir, ton sort est déjà scellé, réagit Zoralie.

Bob, qui avait discrètement quitté l'épaule de Doc Marmotte au premier signe de danger, s'était fait totalement oublier. Il avait assisté à toute la scène. Il ne faisait aucun doute que sa sorcière préférée était en danger. Il se jeta sur Zoralie et la mordit à la main.

Perturbée dans sa concentration, son sort d'emprise céda. Doc Marmotte tomba au sol. L'adrénaline lui permit de se relever aussitôt et de commencer à fuir. Bob sauta de Zoralie jusqu'à elle.

Zoralie, folle de rage, fit tomber sur leur chemin de la roche montagneuse pour les bloquer. Malheureusement, elle ne visa pas comme elle l'aurait voulu, et en voulant éviter les rochers qui tombait sur elle Doc Marmotte trébucha sur le bord du chemin et disparut dans les profondeurs des montagnes.

            — Qu'est ce que tu as fait ? s'énerva Qffwffq.

Zoralie ne daigna répondre. Elle allait s'emporter dans son énervement, mais ses plans changèrent quand elle remarqua que des troupes arrivaient par les deux seuls chemins restants.
Très vite, Zoralie et Qffwffq furent encerclés par une troupe d'une vingtaine d'homme, aux visages masqués par de lourds casques.

            — N'approchez pas, les menaça Zoralie qui n'attendait qu'une seule bonne raison pour se défouler.

Le seul cavalier du groupe, qui semblait diriger les autres, pointa sa lance vers eux.
            — Capturez le, et tuez la.

Qffwffq réussit à tuer deux gardes avant d'être maintenu au sol et de se voir poser des chaines aux poignets et aux chevilles.

Zoralie réussit à immobiliser le petite détachement qui s'approchait d'elle.

            — Laissez moi partir où je brise tous vos os.

Le cavalier eut un grand éclat de rire, étouffé par l'épaisseur de son casque.

            — Vous êtes douée. Pas assez pour survivre si je demande à toutes mes troupes de vous attaquer. Mais j'aime votre témérité. Je vous propose un marché, je vous laisse vivre, mais le chevalier reste avec nous.

Zoralie tourna son regard vers Qffwffq. Elle n'hésita qu'une seconde.

            — Très bien, emmenez le.
            — Parfait. Je savais que nous pouvions nous entendre. Je vais donc vous laisser vivre, mais en échange, je vous ordonne de dire à celle qui vous envoie qu'elle ne doit plus essayer de se mettre en travers du chemin du Seigneur Amrah, si elle ne veut pas terminer avec la tête au bout d'une lance.

Les troupes repartirent, avec Qffwffq, enchaîné, qui ne lâcha ni un mot, ni un regard pour Zoralie.

**

Quelqu'un frappa trois fois à la porte.

            — Je viens sur ordre du roi, il souhaite avoir la bague en mithrite noble.

Eugène, en pleine écriture sur son livre de travail, détestait être interrompu en pleine réflexion. Mais il n'en dit pas un mot. D'ailleurs peu de personnes connaissaient le son de sa voix, et encore moins  pouvaient prétendre avoir vu son visage. Il portait une cape, bleu foncé, avec une capuche qui recouvrait sa tête. Par la forme de la cape on lui devinait une petite taille, et une carrure modeste. Mais pour autant personne ne se serait permis de chercher à être en conflit avec lui. L'aura de mystère qui l'entourait lui assurait la tranquillité nécessaire au bon accomplissement de ses taches. A tout cela s'ajoutait un regard jaune-vert sans que l'on puisse évaluer assurément la taille de ses yeux. Beaucoup de rumeurs courraient à son sujet, et les paris quant à son appartenance à la race humaine n'étaient pas nombreux.

La porte finit par s'ouvrir. Eugène apparut, sans dire un mot. La bague était dans sa poche. Il suivit le garde depuis son bureau au sous sol jusqu'à la grande salle du trône. Il n'était pas à l'aise. Il n'aurait pu en donner clairement la raison, mais quelque chose n'allait pas. Ce sentiment d'angoisse s'intensifiait à mesure qu'il approchait de la salle du trône.

La grande porte s'ouvrit. Eugène fit un pas dans la pièce et remarqua la bataille qui y avait eu lieu. Il nota la passivité des gardes encore en vie, le roi en position de faiblesse, et les deux elfes qui de toute évidence étaient à l'origine de tout cela.

            — Donnez leur la bague Eugène, lui ordonna le roi sur un ton moins chargé de mépris qu'à l'accoutumée.

Eugène s'approcha de Lara qui s'était tournée vers lui. Il était à deux mètres d'elle. Tous ses sens se mirent en alerte. Il n'aurait pu savoir pourquoi mais tout dans son être lui disait de ne pas remettre cette bague.

Lara tendit la main vers lui. Il leva sa tête pour la fixer, mais son visage, toujours invisible dans la pénombre de sa capuche ne laissait transparaître aucune émotion.

Il tendit sa main, après avoir saisi la bague dans sa poche et la présenta à Lara.

Lorsque la main de Lara tenta de s'emparer de la bague, elle passa au travers de celle d'Eugène.
           
            — Qu'est ce que c'est que ça ? dit elle énervée.

A ces mots, l'illusion d'Eugène s'évapora, son corps s'effaça en un instant. Lara comprit qu'elle venait d'être bernée.

Elle laissa éclater une colère silencieuse qui dégagea une puissance telle que les murs se mirent à trembler, toutes les vitres se brisèrent.

Une fois la colère évacuée, elle se tourna vers Mémédoc.

            — Partons, nous n'avons plus aucune raison de rester ici.

Elle se tourna vers Nico D.

            — Trouvez votre mage, et cette bague, je vous donne jusqu'à la fin de la journée, ou bien je vous fais arracher les yeux avant de vous les faire avaler.

Elle fit apparaître une poudre dans le creux de sa main et souffla devant elle. Un portail, qui se devinait par la déformation de la lumière malgré sa transparence totale, apparu. Elle le traversa avec Mémédoc, sans dire un mot.